Gaz de schiste : le gouvernement joue les équilibristes

Tout en ménageant l'opinion publique et sa majorité, le gouvernement ne veut pas complètement écarter le recours à cet hydrocarbure controversé.

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Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet devront s'accorder avant de négocier avec la majorité sur l'avenir de l'exploration du gaz de schiste.
Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet devront s'accorder avant de négocier avec la majorité sur l'avenir de l'exploration du gaz de schiste. © AFP

Temps de lecture : 4 min

"On ne ferme pas définitivement la porte" au gaz de schiste. Au lendemain de la publication d'un pré-rapport commandé sur le sujet par le gouvernement, Éric Besson, ministre de l'Industrie et de l'Énergie, a précisé la ligne du gouvernement vendredi sur France Info. Les permis d'exploration accordés sans la moindre transparence par le ministère de l'Énergie, alors dirigé par Jean-Louis Borloo, seront bien annulés par une loi. La technique d'exploitation, utilisée aux États-Unis pour extraire le gaz ou l'huile de schiste, s'est révélée trop nocive pour l'environnement. Elle nécessite de fracturer la roche en injectant de l'eau sous pression mélangée à du sable et à des produits chimiques, ce qui risque de polluer les nappes phréatiques. Mais le gouvernement ne s'interdit pas pour autant d'envisager l'exploitation de cette richesse potentielle du sous-sol français "d'ici deux, trois ans", a précisé le ministre.

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Les experts du Conseil général de l'environnement et du développement durable et du Conseil général de l'industrie estiment en effet qu'il "serait dommageable, pour l'économie nationale et pour l'emploi, que notre pays aille jusqu'à s'interdire (...) de disposer d'une évaluation approfondie de la richesse potentielle". Et pour cause, "la comparaison avec les formations géologiques analogues exploitées en Amérique du Nord laisse à penser [qu'il] est parmi les plus prometteurs au niveau européen en huile dans le bassin parisien (100 millions de mètres cubes techniquement exploitables) et en gaz dans le sud du pays (500 milliards de mètres cubes)", soulignent les experts. Concrètement, cela pourrait "permettre à notre pays (...) de réduire très sensiblement ses importations d'hydrocarbures et de limiter d'autant le déficit de sa balance commerciale."

Un équilibre difficile

Alors que le prix de l'énergie - y compris celui de l'électricité nucléaire - explose, l'argument ne peut pas laisser insensible le gouvernement, confronté à l'érosion du pouvoir d'achat des Français. Encore lui faut-il satisfaire une opinion publique et des élus très hostiles à l'exploitation de ces gisements d'hydrocarbures "non conventionnels" sans se priver pour autant définitivement d'une source d'énergie plutôt bon marché.

François Fillon s'est engagé le 13 avril à défendre la proposition de loi UMP présentée le 10 mai à l'Assemblée en procédure d'urgence afin d'abroger le plus rapidement possible les permis d'exploitation. Mais le texte, rédigé par le président du groupe UMP Christian Jacob, va en réalité beaucoup plus loin. Il prévoit l'interdiction pure et simple de l'exploitation et de l'exploration. De quoi empêcher "la réalisation, par les industriels, d'un nombre limité de puits expérimentaux sur-instrumentés afin de pouvoir s'assurer du respect des enjeux environnementaux", pourtant recommandée dans le pré-rapport. "La recherche scientifique n'est pas aujourd'hui envisageable dans la mesure où nous n'avons pas une vision globale sur les gaz de schiste", martèle le député UMP de la Lozère, Pierre Morel A L'Huissier, cosignataire du texte de la majorité. Elle ne peut être autorisée qu'après un "débat national sur le sujet et des enquêtes publiques sur chaque projet". Une source proche du dossier veut croire que des marges de négociation existent entre le gouvernement et les parlementaires de la majorité pour trouver un terrain d'entente.

"Duplicité" (PS)

L'opposition dénonce déjà "la duplicité" de l'exécutif sur ce dossier. "Il y a tout lieu d'être inquiets et de craindre que le gouvernement ne se ménage une porte de sortie pour, au final, autoriser l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste pour le seul bénéfice des multinationales." L'eurodéputé José Bové, à l'origine de la contestation, n'entend donc pas relâcher la pression. Selon lui, le pré-rapport rendu au gouvernement a été rédigé, entre autres, par deux scientifiques du corps des Mines, "ceux-là mêmes qui ont accordé les permis d'exploitation" aujourd'hui sur la sellette. Et d'illustrer la dangerosité de l'exploitation du gaz de schiste par la fuite de milliers de litres d'eau d'un puits de gaz de schiste en Pennsylvanie, mercredi 20 avril, qui a nécessité l'évacuation des habitants de la localité.

Une fois n'est pas coutume, l'ancien porte-parole de la Confédération paysanne semble sur la même ligne que l'UMP. Comme les élus de la majorité, il réclame une révision du Code minier de 1956, notamment pour "le mettre en conformité avec le principe de précaution" et l'adapter aux nouvelles réglementations environnementales adoptées au niveau européen, ainsi qu'un débat sur "la transition énergétique". Pour contrer une telle opposition des élus de tous bords, le pré-rapport préconise "une révision de la fiscalité pétrolière de sorte que les collectivités locales trouvent un intérêt à une exploitation d'hydrocarbures sur leur territoire". La marge de manoeuvre du gouvernement, lui-même tiraillé entre le ministère de l'Écologie et du Développement durable et celui de l'Industrie, est plus qu'étroite.


Commentaires (82)

  • rené

    Pour autoriser "l'exploitation"polluante du gaz de schiste, l'État évoque l'indépendance énergétique, mais donne à des compagnies étrangères les autorisations d'essais préalables à une exploitation. Si l'exploitation a lieu, nous dépendrons toujours de l'étranger alors que ce sont nos propres ressources.
    Pour ce qui concerne les études de faisabilité, je suis sûr qu'elles seront favorables, tout comme on nous annoncera que les centrales atomiques sont sans danger. Tout le monde admet que le risque zéro n'existe pas, alors je pose la question suivante : que préférez -vous comme accident énergétique en France ? Un accident d'éoliennne, de panneaux solaires, de pollution régionale des nappes phréatiques et des cours d'eau ou atomique ? Pour moi, le choix est clair.

  • Erben

    Arrêtons de nous faire croire que nos seules sources d'énergie sont fossiles !
    Quitte à vouloir absolument un combustible, pourquoi ne pas commencer par s'intéresser à une source d'énergie que nous produisons tous sans effort ? Tous les déchets organiques sont méthanisables, à bon entendeur.

  • nenet

    Encore une fois, pour bénéficier quelques investisseurs et industriels, ils sont prés à polluer notre terre, combien la ministre touchera pour arrivé à convaincre et à faire implanter cette industrie pour le Gaz -de-schiste, les précautions, parlons en ! Il afallut la catastrophe du Japon pour faire les contrôles des centrales en France et ce rendre compte qu'il fallait en fermé qui n'était pas au norme ! Tout prévoir pour la sécurité ? Ce qui compte pour eux c'est le fric ! La dangerosité ils n'en n'ont rien à faire ! J'espère que nous, les Français nous ne laisseront pas faire ce gaz-de-schiste ! Quand on voit les dégâts que cela à fait en Pennsylvanie ! Le chauffage solaire, le photovoltaïque, il faudrait vraiment le développer, mais voilà, cela ne rapporte rien à industrie l'EDF.