Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Que sait-on des gaz de schiste ?

En quelques mois, le gaz de schiste est devenu le symbole de la lutte menée par les écologistes en France.

Par Charlotte Chabas

Publié le 22 avril 2011 à 17h16, modifié le 23 mai 2014 à 05h09

Temps de Lecture 5 min.

Un site d'exploitation de schiste dans le Dakota, aux Etats-Unis.

En quelques mois, le gaz de schiste est devenu le symbole de la lutte menée par les écologistes en France. La fronde a démarré fin 2010 dans l'Ardèche, l'Aveyron et la Drôme, trois départements visés par des permis d'exploration accordés, en mars 2010, par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'écologie.

Pour les industriels, le gaz de schiste pourrait constituer une solution face à la crise énergétique. Les spécialistes de l'énergie mondiale, le centre d'études américain IHS-CERA en tête, affirment que l'exploitation du gaz de schiste est indispensable si l'Europe veut compenser le déclin amorcé de sa production de gaz naturel conventionnel. Présent quasiment partout sur la planète, le gaz de schiste est un gaz naturel piégé dans la roche sédimentaire au lieu d'être concentré sous forme de poches. S'il est commercialisé à très faible échelle depuis plus d'un siècle aux Etats-Unis, les informations sur la dangerosité de son exploitation restent partielles.

Lire : Le gaz de schiste, entre eldorado et désastre annoncé

  • Quelles sont les méthodes de forage ?
Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire

Les couches de gaz de schiste reposent en moyenne à 2 000 mètres de profondeur. Contrairement aux gaz classiques, le gaz de schiste ne peut donc pas être extrait par un simple forage. Pour atteindre ces poches, les industriels ont mis au point un procédé de forage horizontal hydraulique. A partir d'un puits consolidé par un coffrage de béton, d'énormes quantités d'eau, de sable et de produits chimiques sont injectées à très forte pression en profondeur, la roche se fissure alors et libère le gaz.

Parvenu à la surface, le gaz est injecté dans un séparateur qui le dissocie de l'eau, puis de ses autres composants, notamment du dioxyde de carbone et des gaz à effet de serre, qui sont alors relâchés dans l'atmosphère.

  • Pourquoi peut-il être dangereux ?

De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques. Au moment de la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation.

Le film américain Gasland, plaidoyer pour l'abandon de l'exploitation du gaz de schiste, montre ainsi des habitants qui vivent près d'un puits de forage, et dont l'eau courante s'enflamme quand ils en  approchent une flamme.

Autre motif d'inquiétude pour les écologistes, le manque d'information sur les produits chimiques présents dans le liquide de fracturation. Selon un rapport rédigé par la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants américaine, l'exploitation du gaz de schiste a entraîné l'utilisation de "plus de deux mille cinq cents produits pour la fracturation hydraulique, contenant sept cent cinquante substances chimiques (...), dont vingt-neuf sont connues pour être cancérigènes, ou suspectées telles, ou présentant des risques pour la santé et l'environnement".

Les écologistes dénoncent également l'utilisation d'immenses quantités d'eau, entre 10 000 et 20 000 mètres cubes, pour procéder à une extraction. Cet usage fait craindre une nouvelle dégradation des ressources en eau. Enfin, des chercheurs américains ont émis des critiques sur le possible risque d'activité sismique lié à l'exploitation du gaz de schiste.

  • Quelles sont les régions françaises concernées ?

Difficile d'évaluer les réserves de ce gaz présentes sur le territoire français. Selon les industriels, la France serait "le pays d'Europe le plus richement doté de ressources" en gaz de schiste. Les ressources sont évaluées à quatre-vingt-dix ans de notre consommation actuelle, selon le pré-rapport commandé par le gouvernement. Dans le Sud-Est, le groupe Total avait obtenu le 31 mars un permis de recherche, valable cinq ans. Le Nord–Pas-de-Calais pourrait abriter un gisement de 65 milliards de mètres cubes, selon le Bulletin de l'industrie pétrolière. Des permis d'exploration avaient également été délivrés en Lorraine, dans le Jura, dans la Loire et dans les Bouches-du-Rhône. Le Bassin parisien aurait également un énorme potentiel de ressources en gaz de schiste.

  • Quelle est la position du gouvernement français ?

En mars 2010, des permis avaient été accordés à des industriels pour procéder à des travaux de prospection. Cette décision était passée relativement inaperçue, jusqu'à ce que les députés européens José Bové et Corinne Lepage réclament un moratoire sur la prospection de gaz de schiste.

Début février, la ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a réclamé l'intervention de Matignon sur le sujet. Le 13 avril, à l'Assemblée nationale, le premier ministre, François Fillon, a annoncé l'annulation des autorisations déjà données à des projets d'exploration du gaz. Le proposition de loi de Christian Jacob, président du groupe UMP, visant à retirer les permis d'exploration et d'exploitation, devrait être discutée en urgence à l'Assemblée nationale le 10 mai.

Cependant, le pré-rapport commandé par Nathalie Kosciusko-Morizet afin d'"évaluer les enjeux environnementaux" des gaz de schiste, et dont les premiers éléments ont été publiés jeudi 21 avril, se révèle favorable à la poursuite des travaux de recherche et d'exploration sous un contrôle très strict. Les conclusions définitives du rapport devraient être connues le 31 mai.

  • Une production en pleine expansion dans le monde

Aux Etats-Unis, la production de gaz de schiste connaît un développement considérable. Si jusqu'en 2004 elle était quasi inexistante, elle représente aujourd'hui 23 % de la production de gaz naturel aux Etats-Unis. Mais le débat sur le gaz de schiste est régulièrement relancé, notamment après plusieurs incidents qui ont contaminé des nappes phréatiques.

Le New York Times avait publié fin février une vaste enquête compilant plus de trente mille pages de documents confidentiels provenant de l'Agence étatsunienne de protection de l'environnement, l'EPA. Le journal multiplie les preuves des effets néfastes sur la santé, mais l'enquête révèle aussi que l'eau rejetée par les puits est radioactive.

Selon le département de l'énergie américain, la Chine posséderait les plus grosses réserves de gaz de schiste au monde. Total a conclu un accord avec la compagnie CNPC-PetroChina pour exploiter un gisement en Mongolie-Intérieure.

En Europe, l'enjeu du gaz de schiste est important : si les réserves évaluées (entre 3 000 et 12 000 milliards de mètres cubes) étaient confirmées et exploitées, c'est un volume de près de 50 milliards de mètres cubes par an en 2030 qui pourraient être mis sur le marché européen. Soit un tiers environ de la production européenne. Des puits sont déjà forés en Allemagne, en Suède, en Pologne. Au Royaume-Uni, au Danemark, au Pays-Bas, en Allemagne, et en Pologne des projets d'exploitation devraient bientôt aboutir.

Mais la pression de l'opinion publique reste forte, et les eurodéputés écologistes espèrent trouver un moyen de bloquer les exploitations à l'échelle européenne. En Suède, le nouveau gouvernement élu à l'automne 2010 a gelé les forages sous la pression de l'opinion publique suédoise.

Pour en savoir plus :

- Lire la contre-enquête du Monde, en zone abonnés : "Faut-il renoncer à exploiter les gaz de schiste ?"

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.